j’aille loin de ses yeux. Car la préservation de la vie est une chose inestimable, et n’est jamais assez jugée à sa valeur. Et l’éloignement est le meilleur préservatif pour nos cous. D’ailleurs, le poète a dit :
« Préserve ta vie des dangers qui la menacent, et laisse la maison se plaindre à son constructeur ! »
Et, à cela, son père et son frère répondirent : « Ne pars pas, ô Giafar, car probablement le khalifat te pardonnera ! » Mais Giafar dit : « Il a posé la condition ! Or, comment pourrais-je trouver quelqu’un qui fût capable de deviner à première vue le motif qui a fait rire et pleurer le khalifat, ainsi que le contenu, depuis le commencement jusqu’à la fin, de ce livre calamiteux ? » Et Yahia répondit alors : « Tu dis vrai, ô Giafar ! Il n’y a que le départ pour sauvegarder les têtes. Et le mieux est que tu partes pour Damas, et que tu y demeures jusqu’à ce que ce déclin de la fortune soit terminé et que soit revenue l’heureuse destinée. » Et Giafar demanda : « Et que deviendra mon épouse, en mon absence, et mon harem ? » Et Yahia dit : « Pars, et ne te préoccupe pas du reste. Ce sont là des portes que tu n’as pas le temps d’ouvrir. Pars pour Damas, car tel est pour toi le décret du destin…
— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.