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les mille nuits et une nuit

et que les larmes coulaient à travers les interstices de la barbe jusqu’au livre qu’il tenait sut ses genoux. Puis il referma le livre, le mit dans sa manche, et se leva pour sortir.

Lorsque Giafar vit le khalifat pleurer et rire de la sorte, il ne put s’empêcher de dire à son suzerain : « Ô émir des Croyants et souverain des deux Mondes, quel peut bien être le motif qui te fait rire et pleurer presque au même moment ? » Et le khalifat, ayant entendu cela, s’encoléra à la limite de la colère, et cria à Giafar, d’une voix irritée : « Ô chien d’entre les chiens des Barmécides, quelle est donc cette impertinence de ta part ? Et de quoi te mêles-tu ? Tu viens de t’arroger le droit d’être offusquant et suffisant, et tu as dépassé les limites de ta place ! Et il ne te manque plus qu’a braver le khalifat ! Or, par mes yeux ! du moment que tu t’es mêlé de ce qui ne te concerne pas, je veux que cette affaire ait toutes les suites qu’elle comporte. Je t’ordonne donc d’aller chercher quelqu’un qui puisse me dire pourquoi j’ai ri et pleuré à la lecture de ce livre, et qui devine ce qu’il y a dans ce volume depuis la première page jusqu’à la dernière. Et si tu ne trouves pas cet homme-là, je couperai ton cou, et te montrerai alors ce qui m’a fait rire et pleurer. »

Lorsque Giafar eut entendu ces paroles et vu cette colère, il dit : « Ô émir des Croyants, j’ai commis une faute. Et la faute est le fait des gens qui me ressemblent, mais le pardon est le fait de ceux qui ont l’âme comme celle de Ta Grandeur. » Et Haroun répondit : « Non ! je viens d’en faire le serment ! Tu dois aller me chercher quelqu’un qui m’explique