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les séances… (quel est le plus généreux ?)
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timents pour quelqu’un que je n’ai jamais vu ? Mais cela est dû à tout autre chose, que je ne saurais te révéler ! » Mais il continua à la presser si fort et avec tant de bonté, que la jeune fille, les yeux baissés, finit par lui avouer son amour pour son cousin, disant : « Le motif de mes larmes et de mon chagrin, est un être cher qui est resté dans la maison, et c’est le fils de mon oncle, celui avec qui j’ai grandi, et qui m’aime et que j’aime depuis l’enfance ! Et l’amour, ô mon maître, est une plante dont les racines sont prises dans le cœur, et pour l’arracher il faudrait arracher le cœur avec elle ! »

À cette révélation de son épouse, le cheikh baissa la tête, sans dire un mot. Et il réfléchit une heure de temps, puis releva la tête et dit à la jeune fille : « Ô ma maîtresse, la loi d’Allah et de Son Prophète — sur Lui la prière et la paix ! — défend au Croyant d’obtenir quoi que ce soit du Croyant par la violence. Et si le morceau de pain ne doit pas être pris au Croyant par la force, que sera-ce s’il s’agit de lui enlever son cœur ? Ainsi donc, tranquillise ton âme et rafraîchis tes yeux ! Et rien n’arrivera que ce qui a été écrit sur ta destinée ! » Et il ajouta : « Lève-toi donc, ô mon épouse d’un moment, et, avec mon consentement et de mon plein gré, va trouver celui qui a sur toi des droits plus réels que les miens, et donne-toi à lui librement. Et tu reviendras ici avec le matin, avant que les domestiques soient réveillés et te voient rentrer. Car dès ce moment tu es comme ma fille, de ma chair et de mon sang ! Et le père ne touche point à sa fille. Et, quand je serai mort, tu seras mon héritière ! » Et il ajouta encore : « Lève-toi, ma