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les mille nuits et une nuit

instant, et dit : « C’est peut-être la maison même de tes parents que tu pleures, où tu as passé ton enfance et ton adolescence, ô Habiba ! Si c’est elle que tu pleures, dis-le moi, et je te prendrai par la main et t’y conduirai. » Et la jeune fille, quelque peu adoucie par les bonnes paroles de son époux, releva un peu la tête ; et ses beaux yeux étaient pleins de larmes, et son visage charmant était comme une flamme. Et elle répondit, d’une voix tremblante de pleurs : « Ya sidi, ce n’est point ma mère que je pleure, ni mon père, ni mes sœurs, ni ma nourrice, ni mes animaux familiers ! Je te supplie donc de me dispenser de te révéler le motif de mes larmes et de mon chagrin. » Et l’excellent cheikh, qui voyait pour la première fois le visage de sa femme à découvert, fut très ému par sa beauté, par le charme enfantin qui se dégageait d’elle toute, et par la douceur de son parler. Et il lui dit : « Ya setti Habiba, ô la plus belle d’entre les jeunes filles, et leur couronne, si ce n’est point l’éloignement de ta famille et de ta maison qui te donne tant de peine, c’est qu’il y a un autre motif. Et je te prie de me le dire, afin que j’y remédie. » Et elle répondit : « De grâce ! dispense-moi de te le raconter ! » Il dit : « C’est qu’alors ce motif n’est autre que la répugnance et l’aversion que tu as pour moi. Or, par ta vie ! si tu m’avais dit, par l’intermédiaire de ta mère, que tu ne voulais pas devenir mon épouse, je ne t’eusse certes pas obligée à entrer malgré toi dans ma maison !» Et elle dit : « Non, par Allah ! ô mon maître, le motif de mon chagrin n’est point dû à de la répugnance ou de l’aversion ! Comment aurais-je ces sen-