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les séances… (quel est le plus généreux ?)
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et les souhaits et les appels aux bénédictions, la noce prit fin, et tout le monde s’en alla, en laissant la jeune mariée chez son époux.

Et, quand vint le moment de la consommation, le cheikh pénétra dans la chambre nuptiale, et vit son épouse qui pleurait dans les coussins, et sa poitrine qui se soulevait pleine de sanglots. Et il pensa : « Sûrement, elle pleure comme pleurent toutes les jeunes filles qui quittent leur mère. Mais heureusement que ça ne dure pas longtemps, pour l’ordinaire. Avec de l’huile on vient à bout des cadenas les plus durs, et avec de la douceur on apprivoise les petits des lions ! » Et il s’approcha d’elle, tandis qu’elle pleurait, et lui dit : « Ya setti Habiba, ô lumière de l’âme, pourquoi abîmes-tu de la sorte la beauté de tes yeux ? Et quelle douleur est la tienne, qui te fait oublier même une présence nouvelle près de toi ? » Mais la jeune fille, en entendant la voix de son époux, fut prise d’un redoublement de larmes et de sanglots, et s’enfonça davantage la tête dans les oreillers. Et le cheikh, bien interloqué, lui dit : « Ya setti Habiba, si c’est ta mère que tu pleures, à cause de ta séparation d’avec elle, dis-le-moi, et j’irai te la chercher à l’instant ! » Et la jeune fille, pour toute réponse, secoua la tête dans ses oreillers, en pleurant plus fort, et rien de plus. Et son époux lui dit : « Si c’est ton père, ou l’une de tes sœurs ou ta nourrice ou quelque animal familier, tel que coq, chat ou gazelle, que tu pleures si douloureusement, dis-le-moi et, par Allah ! j’irai te le chercher ! » Mais un signe négatif de tête dans les oreillers fut la réponse. Et le cheikh réfléchit un