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les mille nuits et une nuit

sera grand, nous le marierons avec Habiba ! » Et ils avaient vécu et grandi ensemble, et avec eux avait grandi leur mutuelle affection. Mais, quand ils furent en âge de se marier, la destinée ne décréta point leur mariage. Car les parents, ayant subi les revers du temps, devinrent fort pauvres ; et le père et la mère de Habiba s’estimèrent favorisés en acceptant comme époux pour leur fille un respectable cheikh, l’un des marchands les plus riches de Baghdad, qui l’avait demandée en mariage.

Et, lorsque son mariage avec le cheikh fut décidé de la sorte, la jeune Habiba voulut voir son cousin Habib pour la dernière fois, et lui dit en pleurant : « Ô fils de mon oncle, ô mon bien-aimé, tu sais ce qui se passe, et que mes parents m’ont accordée en mariage à un cheikh que je n’ai jamais vu et qui ne m’a jamais vue ! Et voici que, par ce mariage, nous sommes à jamais frustrés de notre amour, ô mon cousin ! Et peut-être que notre mort est préférable à notre vie ! » Et Habib répondit en sanglotant : « Ô ma bien-aimée cousine, notre destin est amer, et notre vie est désormais sans signification ! Comment pourrions-nous, loin l’un de l’autre, savourer encore le goût de la vie et nous délecter aux beautés de la terre ? Hélas ! hélas ! ô ma cousine, comment allons-nous supporter le poids de notre destinée ! » Et ils pleurèrent l’un sur l’autre et faillirent s’évanouir de douleur. Puis on vient les séparer, en leur disant qu’on attendait la mariée pour la conduire à la maison de l’époux.

Et on conduisit la désolée Habiba en cortège à la maison du cheikh. Et, après les cérémonies d’usage,