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les mille nuits et une nuit

qui m’a dit, quand je lui ai soumis la condition : « Que je vive avec le vaillant capitaine ou que je reste enfermée ici avec ma mère, c’est la même chose ! » Et le Kurde fut très satisfait de cette réponse, et demanda à la marieuse : « Et comment est-elle ? » Elle répondit : « Elle est grasse et dodue et blanche ! » Il dit : « C’est là ce que j’aime ! »

Et donc, comme le père de la jeune fille était consentant, et que la mère était consentante, et que la fille était consentante, et que le Kurde était consentant, les noces furent célébrées sans retard. Et le Kurde, père des grosses moustaches, emmena la jeune fille grasse et dodue et blanche dans sa maison composée d’une seule chambre, et s’enferma avec elle et avec sa destinée. Et Allah seul sait ce qui se passa cette nuit-là.

Et, le lendemain, le Kurde, en allant s’occuper des affaires de la police, se dit, en sortant de chez lui : « J’ai assuré ma chance sur cette jeune fille. » Et le soir, en rentrant chez lui, il lui suffit d’un regard pour juger que tout était en bon ordre dans sa maison. Et tous les jours il se disait : « Il n’est pas encore né celui à qui il sera donné de mettre son nez dans mon dîner. » Et sa quiétude était parfaite, et sa sécurité absolue. Et il ne savait pas, malgré toute son expérience, que la femme est née subtile, et que, lorsqu’elle désire quelque chose, rien ne saurait l’arrêter. Et il devait bientôt en faire l’expérience.

Il y avait, en effet, dans la rue, en face de la fenêtre de la maison, un boucher pour la viande de mouton. Et ce boucher avait un fils, un gail-