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les rencontres d’al-rachid… (la jument…)
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rivage anadolien, de Serendib, de l’Inde et de la Chine. Et quand j’arrivai au centre du marché, les courtiers et les crieurs y avaient déjà rassemblé les divers lots séparément, pour éviter les désordres qu’aurait occasionnés le mélange de ces races diverses. Et dans chacun de ces lots, chaque jeune fille était placée bien en valeur, de façon à ce qu’on pût l’examiner sur toutes ses faces et que chaque marché fût conclu à bon escient et sans duperie.

Et le destin voulut — nul ne saurait échapper à son destin ! — que mes pas premiers se dirigeassent d’eux-mêmes vers le groupe des adolescentes venues des Îles de l’extrême Nord. Et d’ailleurs mes pas ne se fussent-ils point d’eux-mêmes dirigés de ce côté-là que c’est de ce côté-là que mes yeux eussent immédiatement regardé. Car ce groupe tranchait sur les groupes plus sombres qui l’avoisinaient par sa clarté et par un écroulement de lourdes chevelures, jaunes comme l’or, sur des corps d’une blancheur de vierge argent. Et les adolescentes debout qui composaient ce groupe se ressemblaient toutes étrangement, comme des sœurs ressemblent à leurs sœurs quand elles sont du même père et de la même mère. Et toutes avaient des yeux bleus comme la turquoise iranique quand elle est encore humide du rocher…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.