Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Les séances… (la fille du vendeur...)
223

le lit, à sa place, et abaissa sur elle la moustiquaire. Et elle donna les instructions nécessaires à ses sœurs, et alla se cacher dans la chambre, derrière le lit.

Et, quand vint le moment de là pénétration, les deux jeunes filles, sœurs de Zeina, allèrent au-devant de l’époux et l’introduisirent dans la chambre nuptiale. Et, après lui avoir fait les souhaits d’usage et les recommandations concernant leur petite sœur, en lui disant : « Elle est délicate, et nous te la confions ! Et elle est gentille et douce, et tu ne t’en plaindras pas ! » elles prirent congé de lui et le laissèrent seul dans la chambre.

Et le fils du sultan, se rappelant alors toutes les avanies que lui avait fait subir la fille du vendeur de pois chiches, et toutes ses fureurs accumulées contre elle, et toutes ses humiliations, et tous les dédains dont elle l’avait accablé, s’approcha de la jeune fille qu’il croyait couchée sous la moustiquaire, et qui l’attendait dans l’immobilité. Et il dégaina soudain son grand sabre, et lui en asséna un coup de toutes ses forces, qui fit voler la tête en éclats de tous côtés. Et un des morceaux lui entra dans la bouche, qu’il tenait ouverte en proférant des injures à l’adresse de sa victime. Et il sentit le goût du sucre, et s’en étonna prodigieusement, et s’écria : « Par ma vie ! voici qu’après m’avoir, de son vivant, fait manger la crotte amère des ânes, elle me fait goûter, après sa mort, à la douceur exquise de sa chair. »

Et, persuadé qu’il venait de trancher la tête à une si délicieuse créature, il laissa éclater son désespoir, et voulut se percer le ventre avec le sabre qui lui avait servi à fracasser la poupée.