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les mille nuits et une nuit

en même temps, marchant et chevauchant au même moment, tandis que l’ânon effaré s’était mis à braire et à péter au milieu de la salle de réception.

À cette vue, le fils du sultan fut à la limite de la fureur et du désappointement, et, ne pouvant point faire subir au vendeur de pois chiches le traitement dont il l’avait menacé, vu qu’il avait rempli les conditions requises, il sentit que sa poche à fiel allait lui éclater dans le foie. Et il jura en lui-même que cette fois ce serait à la jeune fille elle-même qu’il s’en prendrait, en l’abîmant sans recours. Et il chassa le vendeur de pois chiches, et se mit à méditer le plan de ses méfaits sur la jeune fille. Et voilà pour lui !

Mais pour ce qui est de la jeune Zeina, comme elle était pleine de prévoyance et que son œil voyait loin et que son nez sentait l’approche des événements, elle se douta bien, à la façon dont son père lui avait raconté l’état de fureur du fils de sultan, que le jeune garnement allait s’attaquer à elle d’une façon dangereuse. Et elle se dit : « Avant qu’il nous attaque, attaquons-le ! » Et elle se leva sur ses deux pieds et alla trouver un armurier fort expert en son art et lui dit : « Je veux que tu me confectionnes, ô père des mains habiles, une armure tout en acier, à ma taille, et des jambières et des brassards et un casque du même métal. Mais il faut que tous ces objets soient faits d’une telle manière, qu’au moindre mouvement de la marche et au moindre contact, ils produisent un bruit assourdissant et un vacarme épouvantable. » Et l’armurier répondit par l’ouïe et l’obéissance, et ne tarda pas à lui livrer les objets en question, tels qu’elle les avait commandés.