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les séances charmantes… (le fils du roi…)
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parer, chacune, un plateau de mets qui fussent admirables à la vue et à l’odorat. Et chacun d’eux excita l’émulation de son épouse respective, en lui disant : « Il faut que notre père préfère les mets de ma maison a ceux de la maison de mes frères ! »

Et, entre temps, les deux frères aînés ne cessèrent de se moquer de leur frère cadet, en lui demandant avec beaucoup d’ironie ce que son épouse, la grosse tortue, pourrait bien envoyer pour faire revenir l’appétit de leur père et lui dulcifier le palais. Mais il ne répondait à leurs demandes et interrogations que par un sourire tranquille.

Quant à l’épouse de Schater-Môhammad, qui était la grosse tortue solitaire, elle n’attendait que cette occasion pour montrer ce dont elle était capable. Et, à l’heure et à l’instant, elle se mit au travail. Et elle commença par envoyer à l’épouse du fils aîné du roi sa servante de confiance, avec mission de lui demander qu’elle voulût bien ramasser, pour elle tortue, tout le crottin des rats et des souris de sa maison, vu que, elle tortue, en avait un besoin urgent pour en assaisonner le riz, les farces et les autres mets, et qu’elle ne se servait jamais d’autres condiments que de ceux-là. Et l’épouse de Schater-Ali, en entendant cela, se dit : « Non, par Allah ! je me garderai bien de donner ces crottins de rats et de souris que me réclame cette misérable tortue. Car je saurai bien m’en servir, comme condiments, mieux qu’elle ! » Et elle répondit à la servante : « Je regrette de répondre par le refus. Mais, par Allah ! c’est à peine si le crottin dont je dispose peut me suffire pour mon usage personnel ! » Et la servante