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les séances charmantes… (le fils du roi…)
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À cette vue, le sultan fut extrêmement contrarié, et dit au prince : « Par Allah ! ô fils, ta main aujourd’hui n’a point sur elle la bénédiction. Prie sur le Prophète ! » Et le jeune prince répondit : « Que le salut et les bénédictions et toutes les grâces soient sur Lui, sur Ses compagnons et sur Ses fidèles ! » Et le sultan reprit : « Invoque le nom d’Allah, et lance ta flèche pour une troisième expérience ! » Et le jeune prince dit : « Au nom d’Allah le Clément sans bornes, le Miséricordieux ! » Et, bandant son arc, il lança, pour la troisième fois, la flèche, qui alla, dirigée par la destinée, tomber encore une fois sur la maison où vivait, en solitaire, la grosse tortue.

Lorsque le sultan vit, à n’en plus douter, que l’épreuve était si nette et si péremptoire en faveur de la grosse tortue, il décida que son jeune fils, le prince Schater-Môhammad, resterait célibataire. Et il lui dit : « Ô mon fils, comme cette tortue n’est ni de notre race, ni de notre espèce, ni de notre religion, il vaut mieux que tu ne te maries pas du tout, jusqu’à ce qu’Allah nous rende Ses grâces ! » Mais Schater-Môhammad se récria en disant : « Par les mérites du Prophète — sur Lui la prière et la paix ! — le temps de mon célibat est passé ; et puisque la grosse tortue m’a été écrite par la destinée, je consens à me marier avec elle. » Et le sultan, à la limite de l’étonnement, répondit : « Certes, ô mon fils, la tortue t’a été écrite par la destinée ; mais depuis quand les fils d’Adam prennent-ils les tortues pour épouses ? C’est là une chose prodigieuse ! » Mais le prince répondit : « C’est cette tortue-là que