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les mille nuits et une nuit

touche pas, ou tu mourras ! » Et moi, saisie d’épouvante, je laissai retomber le couvercle sur la marmite, et m’échappai de la cuisine. Et j’arrivai dans une seconde salle, un peu plus petite, où sur des plateaux étaient rangées des pâtisseries de qualité, et des galettes qui sentaient bon, et un tas d’autres choses de premier ordre, bonnes à manger. Et moi, ne pouvant résister aux sollicitations de mon âme, je tendis la main vers un des plateaux, et pris une galette encore moite de tiédeur. Et voici que je reçus une tape sur la main, qui me fit lâcher la galette ; et une voix sortit du milieu du plateau, qui me cria : « Hé la ! hé la ! c’est pour notre maîtresse cela ! Ne touche pas, ou tu mourras ! » Et ma frayeur arriva à ses limites extrêmes, et je courus droit devant moi, tremblant sur mes vieilles jambes qui se dérobaient sous moi. Et je me vis soudain, ayant traversé des galeries et des galeries, dans une grande salle creusée en voûte, dont la beauté et la richesse n’avaient rien à envier aux palais des rois, au contraire ! Et, au milieu de cette salle, était un grand bassin d’eau vive. Et autour de ce bassin, il y avait quarante trônes, dont un était plus haut et plus splendide que les autres.

« Et je ne vis personne dans cette salle, qui n’était habitée que par la fraîcheur et l’harmonie. Et j’étais là depuis quelque temps à admirer toute cette beauté, quand, au milieu du silence, mes oreilles furent frappées par un bruit semblable à celui que font les sabots des chèvres marchant en troupeau sur les pierres. Et, ne sachant quelle pouvait bien être l’affaire, je me hâtai de me blottir sous un divan qui