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les séances… (histoire du bouc…)
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de muletier, je fus dans une grande perplexité en pensant à cette mule sans maître, qui marchait en dodelinant de la tête sur le rivage, sûre de sa route et de sa direction. Et, poussée par la curiosité, je me levai sur mes deux pieds et la suivis de loin. Et elle arriva bientôt devant un monticule, non loin du bord de l’eau, et s’arrêta en frappant la terre de son sabot. Et, par trois fois, elle frappa ainsi la terre avec le sabot de sa jambe droite. Et, au troisième coup, le monticule s’entr’ouvrit et la mule descendit par une pente douce dans son intérieur. Et moi, malgré ma surprise extrême, je ne pus empêcher mon âme de suivre cette mule. Et j’entrai derrière elle dans le souterrain.

« Et je ne tardai pas à arriver de la sorte dans une grande cuisine qui devait être, sans aucun doute, la cuisine de quelque palais de dessous terre. Et je vis les belles marmites rouges qui étaient rangées en bon ordre sur les poêles, et qui chantaient en répandant un fumet de premier ordre, qui dilata les éventails de mon cœur et revivifia les membranes de mes narines.

« Et un grand appétit creusa mon intérieur, et mon âme désira ardemment goûter à cette cuisine excellente. Et je ne pus résister aux sollicitations de mon âme. Et, comme je ne voyais ni cuisinier, ni aide-cuisinier, ni personne à qui demander quelque chose pour Allah, je m’approchai de la marmite qui répandait la plus exquise odeur, et j’en soulevai le couvercle. Et un grand nuage odorant m’enveloppa, et une voix me cria soudain du fond de la marmite : « Hé la ! hé la ! c’est pour notre maîtresse cela ! Ne