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les séances… (histoire du bouc…)
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ges, et ses oreilles tremblèrent et ses narines frémirent. Et il prit sa fille par les cheveux et voulut la tuer et faire disparaître ses traces. Et il lui cria : « Ah ! maudite dévergondée, tu ne t’es pas seulement contentée de faire entrer un bouc dans ma lignée, mais voici maintenant que tu provoques publiquement les étrangers, et que tu attires sur toi leurs désirs. Meurs donc, et délivre-nous de ton ignominie ! » Et il se disposa à lui fracasser la tête contre les dalles de marbre. Et la pauvre princesse, saisie de frayeur en voyant la mort devant ses yeux, ne put s’empêcher, tant l’âme est chose précieuse et chère, de s’écrier : « Je vais dire la vérité ! Épargnez-moi, je vais dire la vérité ! » Et, sans prendre haleine, elle raconta à son père, à sa mère et à ses sœurs, ce qui lui était arrivé avec le bouc, et qui était le bouc, et comment le bouc était tantôt bouc et tantôt être humain. Et elle leur dit que c’était son propre époux, le beau cavalier vainqueur des joutes.

Tout cela !

Et le sultan, et l’époux du sultan et les deux filles du sultan, sœurs de la jeune princesse, furent prodigieusement étonnés et s’émerveillèrent de sa destinée. Et voilà pour eux !

Mais pour ce qui est du bouc, il disparut. Et il n’y eut plus ni bouc, ni bel adolescent, ni odeur de bouc, ni vestige d’adolescent. Et la jeune princesse, l’ayant attendu en vain plusieurs jours et plusieurs nuits, comprit qu’il ne reparaîtrait plus ; et elle devint triste, douloureuse, sanglotante et sans espoir…