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les séances… (histoire du bouc…)
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époux, père de la princesse, qui vit ce qu’il vit, et ne fut pas moins stupéfait qu’elle-même. Et il dit à sa fille : « Ô ma fille, est-ce vrai cela ? » Elle répondit : « C’est vrai, mon père ! » Il demanda : « Et tu n’es pas morte de honte et de douleur ? » Elle répondit : « Par Allah ! pourquoi serais-je morte, alors que mon époux a été si empressé et si charmant ? » Et la mère de la princesse demanda : « Alors tu ne te plains pas ? » Elle dit : « Pas du tout ! » Alors le sultan dit : « Puisqu’elle ne se plaint pas de son époux, c’est qu’elle est heureuse avec lui. Et c’est là tout ce que nous pouvons souhaiter pour notre fille ! » Et ils la laissèrent vivre en paix avec le bouc, son époux.

Or, au bout d’un certain temps, le roi donna, à l’occasion de sa fête, un grand tournoi sur la place du meidân, au-dessous des fenêtres du palais. Et il convia à ce tournoi tous les dignitaires de son palais, ainsi que les deux époux de ses filles. Quant au bouc, le sultan ne l’invita pas, pour ne point s’exposer à la risée des spectateurs.

Et le tournoi commença. Et les cavaliers, sur leurs coursiers dévorateurs de l’air, joutèrent à grands cris, en lançant leurs djérids. Et ceux qui se distinguèrent entre tous furent les deux époux des princesses. Et déjà la foule des spectateurs les acclamait à l’envi, quand entra dans le meidân un superbe cavalier, dont la seule allure faisait déjà plier les fronts des guerriers. Et il provoqua à la joute, l’un après l’autre, les deux émirs vainqueurs, et, du premier coup de son djérid, les désarçonna. Et il fut acclamé par la foule, comme le maître de la journée.