Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
les mille nuits et une nuit

homme maître de la jument blanche, et lui dit : « Ô jeune homme, qui t’es montré hier si inhumain à l’égard de la belle jument blanche si docile que tu montais, peux-tu me dire, afin que je le sache, le motif qui poussait ton âme à agir d’une façon si barbare à l’égard d’une bête muette qui ne peut répondre aux injures par des injures et aux coups par des coups ? Et ne me dis point que tu agissais de la sorte pour dresser ou pour dompter ta jument. Car, dans ma vie, j’ai moi-même dompté et dressé un grand nombre d’étalons et de cavales, mais jamais je n’eus besoin de maltraiter, comme tu le faisais, les bêtes que j’exerçais. Et ne me dis point que tu harcelais ainsi ta jument pour amuser les spectateurs ; car non seulement ce spectacle inhumain ne les amusait pas, mais il les scandalisait et me scandalisait moi-même avec eux. Et peu s’en fallut, par Allah ! que je ne me fisse connaître en public, pour te châtier comme tu le méritais et mettre fin à un spectacle si répugnant. Parle donc sans mentir et sans me rien cacher du motif de ta conduite ; car c’est le seul moyen qui te reste d’échapper à mon ressentiment et d’entrer dans mes bonnes grâces. Et même je suis prêt, si ton récit me satisfait et si tes paroles excusent ta conduite, à te pardonner et à oublier tout ce que j’ai vu d’offusquant dans ta manière d’agir. »

Lorsque le jeune homme maître de la jument blanche eut entendu les paroles du khalifat, il devint bien jaune de teint et baissa la tête en gardant le silence, visiblement en proie à un embarras fort grand et à un chagrin sans limites. Et comme il continuait à rester debout de la sorte, sans pouvoir arri-