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les mille nuits et une nuit

plus adroite de ses mains, car, à elle seule, elle filait plus que ses deux sœurs réunies, et ce qu’elle filait était mieux fait, et sans défaut le plus souvent. Ce qui rendait jalouses ses deux sœurs, qui n’étaient pas de la même mère.

Or, un jour elle alla au souk et, avec l’argent qu’elle avait mis de côté grâce à la vente de son lin, elle s’acheta un petit pot en albâtre, qu’elle avait trouvé à son goût, afin de le mettre devant elle avec une fleur dedans, alors qu’elle filait le lin. Mais lorsqu’elle fut rentrée à la maison avec son petit pot à la main, ses deux sœurs se moquèrent d’elle et de son achat, la traitant de dépensière et d’extravagante. Et elle, bien émue et toute honteuse, ne sut que dire, et, pour se consoler, elle prit une rose et la mit dans le petit pot. Et elle s’assit devant son pot et devant sa rose, et se mit à filer son lin.

Or, le petit pot en albâtre qu’avait acheté la jeune fileuse était un pot magique. Et quand sa maîtresse voulait manger, il lui procurait des mets délicieux, et quand elle voulait s’habiller, il lui donnait des robes merveilleuses, et quand elle avait le moindre désir, il le satisfaisait. Mais la jeune fille, craignant de rendre encore plus jalouses ses sœurs, qui n’étaient pas de la même mère, se gardait bien de leur révéler les vertus de son pot d’albâtre. Et, devant elles, elle faisait semblant de vivre comme elles et de s’habiller comme elles, et même plus modestement. Mais quand ses sœurs étaient sorties, elle s’enfermait toute seule dans sa chambre, plaçait son petit pot d’albâtre devant elle, le caressait doucement et lui disait : « Ô mon petit pot ! ô mon petit pot, je veux