Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
les séances… (le jeune garçon…)
167

Toutefois ils ne voyaient rien et ne distinguaient rien, tout comme s’ils étaient au milieu d’une nuit noire. Car le pays où ils se trouvaient était le pays des ténèbres.

Et le jeune garçon, sans hésiter, chercha à tâtons des cailloux, et en frotta deux, l’un contre l’autre, si bien qu’ils projetèrent des étincelles. Et il ramassa du bois en grande quantité et en fit un tas énorme, auquel il mit le feu, au moyen des deux cailloux. Et lorsque tout le tas fut en feu, ils virent clair. Mais, au même moment, ils entendirent un effroyable mugissement, comme de mille voix réunies de buffles sauvages en une seule. Et, à la clarté du feu, ils virent s’avancer vers eux, terrible, une goule noire et gigantesque, qui criait avec sa gueule ouverte comme un four : « Quel est le téméraire qui fait de la lumière dans le pays que j’ai voué aux ténèbres ? »

Et de cela la sœur eut bien peur. Et elle dit, d’une voix éteinte, au garçon, son frère : « Ô fils de mon père et de ma mère, nous allons cette fois mourir certainement. Oh ! j’ai peur de cette goule-là ! » Et elle se blottit contre lui, prête à mourir, et déjà évanouie. Mais le garçon, sans perdre un instant contenance, se leva sur ses deux pieds, fit face à la goule, et prit une à une les grosses braises ardentes du bûcher, et se mit à les jeter tout droit dans la bouche large ouverte de la goule. Et lorsque, de cette manière, il eut lancé la dernière grosse braise, l’effroyable goule éclata par le milieu. Et le soleil éclaira de nouveau ce pays voué aux ténèbres. Car c’était la goule qui, ayant tourné son gigantesque derrière