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histoire de la princesse suleika
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tombai évanoui dans les bras de mon protecteur, ma tête précédant mes pieds.

Et je restai dans un état voisin de la mort, pendant sept jours et sept nuits, au bout desquels, grâce aux soins attentifs que me prodiguait mon protecteur, je revins à la vie, mais avec mon âme pleine de deuil et mon cœur pris définitivement du dégoût de vivre. Et, ne pouvant souffrir de rester plus longtemps dans ce palais assombri par le deuil de ma bien-aimée, je résolus de m’enfuir secrètement à la première occasion, pour m’enfoncer dans les solitudes où il n’y a, pour toute présence, que celle d’Allah et de l’herbe sauvage.

Et, dès que s’épaissirent les ténèbres de la nuit, je ramassai ce que je possédais de plus précieux en fait de diamants et de pierreries, en pensant : « Plût à la destinée que je fusse mort autrefois par pendaison, à la branche du vieil arbre, à Damas, dans le jardin de mon père, plutôt que de vivre désormais une vie de deuil et de douleur plus amère que la myrrhe ! » Et je profitai d’une absence de mon protecteur pour glisser hors du palais et de la ville de Schiraz, demandant les solitudes, loin des contrées des hommes.

Et je marchai, sans discontinuer, toute cette nuit-là, et toute la journée suivante, lorsque, vers le soir, à une étape que je faisais sur le bord de la route, au pied d’un œil d’eau vive, j’entendis derrière moi le galop d’un cheval, et vis à quelques pas, déjà près de moi, un jeune cavalier dont le visage, éclairé par la rougeur du soleil à son couchant, m’apparut plus beau que celui de l’ange Radouân. Et il était vêtu d’habits splendides, comme n’en portent que