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les mille nuits et une nuit

bosquets étaient occupés par les gardes, et, me doutant de quelque grave événement, je me hâtai de remonter chez moi. Et, en y arrivant, je trouvai l’eunuque de la princesse qui m’attendait. Et il était tremblant et n’avait guère l’air rassuré de se trouver dans ma chambre, comme si de tous les coins allaient sortir des hommes armés pour le mettre en pièces. Et il me remit en hâte un rouleau de papier, semblable à celui qu’il m’avait déjà remis, et s’esquiva rapidement.

Et je dépliai le rouleau en question et lus ce qui suit : « Sache, ô noyau de la tendresse, que la jeune biche a failli être surprise par les chasseurs, lorsqu’elle eut quitté son gracieux faon. Et maintenant elle est surveillée par les chasseurs qui occupent toute la forêt. Prends donc bien garde d’essayer d’aller, la nuit, au clair de lune, retrouver ta biche. Mais plutôt mets-toi sur tes gardes, et préserve-toi des embûches de nos persécuteurs. Et surtout ne te laisse point aller au désespoir, quoi qu’il puisse arriver et quoi que tu puisses entendre ces jours-ci. Et que ma mort elle-même ne te fasse point perdre la raison, au point d’oublier la prudence. Ouassalam ! »

À la lecture de cette lettre, ô roi du temps, mon anxiété et mes pressentiments furent à leur limite extrême, et je me laissai aller au torrent de mes tumultueuses pensées. Aussi, quand, le lendemain, le bruit se fut répandu dans le palais, ainsi qu’un battement d’aile de hibou, de la mort aussi soudaine qu’inexplicable de la princesse Suleika, ma douleur était déjà à son comble, et, sans un étonnement, je