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les mille nuits et une nuit

l’aveugle, de l’estropié et du cheikh généreux. »

Et Massrour étant parti exécuter l’ordre, le khalifat et Giafar traversèrent enfin le pont. Mais à peine étaient-ils arrivés à son extrémité, qu’ils aperçurent, au milieu du meidân qui s’ouvrait en face d’eux, et qui servait aux joutes et aux tournois, un grand rassemblement de spectateurs qui regardaient un jeune homme monté sur une belle jument blanche qu’il poussait à toute bride de çà et de là, en la maltraitant à grands coups de fouet et d’éperon, sans répit et de manière qu’elle était tout en écume et tout en sang, et que ses jambes et tout son corps étaient en proie au tremblement.

À cette vue, le khalifat, qui aimait les chevaux et ne souffrait pas qu’on les maltraitât, fut à la limite de l’indignation, et demanda aux spectateurs : « Pourquoi ce jeune homme agit-il d’une façon si barbare à l’égard de cette belle jument docile ? » Et ils répondirent : « Nous ne le savons pas, et Allah seul le sait. Mais tous les jours, à la même heure, nous voyons arriver le jeune homme avec sa jument, et nous assistons à cet exercice inhumain ! » Et ils ajoutèrent : « Après tout, il est le maître légitime de sa jument, et il peut la traiter à sa guise. » Et Haroun se tourna vers Giafar et lui dit : « Je te laisse le soin, ô Giafar, de t’informer auprès de ce jeune homme de la cause qui le pousse à maltraiter de la sorte sa jument. Et s’il refuse de te la révéler, tu lui diras qui tu es, et tu lui ordonneras de se présenter entre mes mains, dans l’après-midi de demain, à l’heure de l’aveugle, de l’estropié, du cheikh généreux et du cavalier étranger. » Et Giafar