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histoire de la princesse suleika
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que de me donner à toi, sans contrarier les élans de mon cœur. »

Là-dessus, et pendant que l’aimable Kaïria se promenait non loin de nous pour surveiller les abords du lieu, nous laissâmes libre cours au fleuve de notre ardeur, sans que rien d’illicite, cependant, se passât. Et nous passâmes la nuit à nous embrasser et à nous entretenir tendrement, jusqu’à ce que la favorite vînt nous prévenir que le moment était venu de nous séparer. Mais avant que je quittasse Suleika, elle me dit : « Ô Hassân, que mon souvenir soit avec toi ! Je te promets de te faire bientôt connaître jusqu’à quel point tu m’es cher. »

Et, moi, je me jetai à ses pieds pour lui exprimer ma gratitude de toutes ses faveurs. Et nous nous séparâmes avec les larmes de la passion dans les yeux. Et je sortis des jardins, en faisant les mêmes détours que la première fois.

Or, le lendemain, de toute mon âme j’espérais un signe de ma bien-aimée qui me permît de compter sur un nouveau rendez-vous dans les jardins. Mais la journée passa sans m’apporter la réalisation de mon plus cher espoir. Et je ne pus fermer l’œil cette nuit-là, dans l’incertitude où j’étais sur le motif de ce silence. Et, le jour suivant, malgré la présence de mon protecteur, qui essayait de deviner la cause de mes préoccupations, et les paroles qu’il me disait pour me distraire, je voyais tout en noir devant mes yeux, et ne voulus toucher à aucune nourriture. Et, quand vint le soir, je descendis vers les jardins, alors que l’heure de la retraite n’était pas encore venue, et, à ma grande stupeur, je vis que tous les