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histoire de la princesse suleika
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ment sur ma tête et sur la tienne, et nous serons tous deux perdus sans recours. Il est donc préférable, dans notre propre intérêt, que tu cèdes à la plus puissante. C’est le seul moyen de salut. Et Allah mettra son baume sur le cœur des affligés. » Et moi, loin de me rendre à son conseil, je me sentis à la limite de l’indignation d’être seulement soupçonné assez pusillanime pour céder à de tels calculs, et je m’écriai, en serrant la délectable Kaïria dans mes bras : « Ô résumé des plus beaux dons du Créateur, ne torture pas mon âme par des discours si pénibles. Et, puisque le danger menace ta tête charmante, prenons la fuite ensemble vers mon pays. Là-bas se trouvent des déserts où nul ne saurait trouver nos traces. Et je suis, grâce au Rétributeur, assez riche pour te faire vivre dans les splendeurs, fût-ce au bout du monde habité ! »

À ces paroles, mon amie se laissa aller avec grâce dans mes bras, et me dit : « Eh bien, Hassân, je ne doute plus de ton affection, et veux te tirer de l’erreur où, volontairement, je t’avais induit dans le but de mettre à l’épreuve tes sentiments. Sache donc que je ne suis point celle que tu crois, je ne suis point Kaïria la favorite de la princesse Suleika. La princesse Suleika, c’est moi-même, et celle que tu croyais être la princesse Suleika est précisément ma favorite Kaïria. Et je n’ai édifié ce stratagème que pour être plus sûre de ton amour. D’ailleurs, tu vas aussitôt avoir la confirmation de mes paroles. »

Et, à ces mots, elle fit un appel, et, de l’ombre des cyprès, sortit celle que je croyais être la princesse Suleika, et qui était réellement la favorite