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les mille nuits et une nuit

vaient sa poitrine. Et je lui dis : « Ô ma maîtresse, pourquoi, en cette nuit de blancheur, vois-tu le monde si noir devant ton visage ? Et pourquoi appeler sur ta tête les calamités, en ayant de tels faux pressentiments ? » Et elle me dit : « Fasse Allah, ô Hassân, que ces pressentiments soient faux ! Mais ne crois point que la crainte soit insensée qui vient, en ce moment de notre rencontre tant désirée, troubler notre plaisir. Hélas ! mes alarmes ne sont que trop fondées. » Et elle se tut un moment, et me dit : « Sache, en effet, ô le plus aimé des amants, que la princesse Suleika t’aime secrètement, et qu’elle se dispose à t’avouer, d’un moment à l’autre, son amour. Or, toi, comment recevras-tu un tel aveu ? Et l’amour que tu dis avoir pour moi pourra-t-il tenir contre la gloire d’avoir pour amante la plus belle et la plus puissante des filles de rois ? » Mais moi je l’interrompis, pour m’écrier : « Oui, par ta vie ! ô délectable Kaïria, tu l’emporteras toujours en mon cœur sur la princesse Suleika ! Et plût à Allah que tu eusses une rivale encore plus redoutable, et tu verrais que rien ne saurait atteindre la constance de mon cœur asservi à tes charmes ! Et quand même le roi Sabour-Schah, père de Suleika, n’aurait point de fils pour lui succéder et laisserait le trône de Perse à celui qui serait devenu l’époux de sa fille, je te sacrifierais une telle destinée, ô la plus aimable des jeunes filles ! » Et Kaïria se récria, disant : « Ô infortuné Hassân, quel aveuglement est le tien ! Oublies-tu que je ne suis qu’une esclave au service de la princesse Suleika ? Si tu réponds par le refus à la déclaration de son amour, tu attires son ressenti-