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les mille nuits et une nuit

parmi les branches, il rencontrera une jeune biche, en mal d’amour, toute pâmée déjà de son approche, qui lui dira, en son langage, combien en son cœur elle est émue d’avoir été l’élue, entre les biches de la forêt, et la préférée entre ses compagnes. »

Et, ô mon seigneur, à la lecture de cette lettre, je me sentis ivre sans vin. Car, bien que j’eusse compris, le premier soir, que la délectable Kaïria avait quelque penchant pour moi, je ne m’attendais guère à une telle preuve de son attachement. Aussi, dès que je pus maîtriser mon émotion, je me présentai chez mon protecteur le vizir et lui baisai la main. Et, l’ayant ainsi bien disposé en ma faveur, je lui demandai la permission d’aller voir un derviche de mon pays, récemment arrivé de la Mecque, qui m’avait invité à passer la nuit avec lui. Et, la permission m’en ayant été accordée, je rentrai chez moi et choisis, parmi mes pierreries, les plus belles émeraudes, les rubis les plus purs, les diamants les plus blancs, les perles les plus grosses, les turquoises les plus délicates et les saphirs les plus parfaits, et, avec un fil d’or, les disposai en chapelet. Et, dès que la nuit fut descendue sur les jardins, je me parfumai de musc pur, et gagnai sans bruit les bosquets, par la petite porte dissimulée dont je connaissais le chemin et que je trouvai ouverte à mon intention.

Et j’arrivai sous les cyprès, au pied desquels je m’étais laissé aller au sommeil, le premier soir, et j’attendis haletant la venue de la bien-aimée. Et l’attente brûlait mon âme, et le temps de notre entrevue me semblait devoir ne venir jamais. Et voici