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les mille nuits et une nuit

Après quoi, Suleika ramassa près d’elle un luth, et le mit entre les mains de sa favorite Kaïria, en lui disant : « Âme de mon âme, il convient que tu fasses voir à ton amoureux un peu de ce que tu sais, afin qu’il ne pense pas que nous avons exagéré tes mérites. » Et la délectable Kaïria prit le luth des mains de Suleika, l’accorda et, après un prélude ravissant, chanta en sourdine, en s’accompagnant :

« Je suis l’élève de l’amour. Il m’a enseigné les bonnes manières.

Il a mis en mon âme des trésors que je réserve à ce jeune faon qui m’a percé le cœur

Avec les scorpions noirs de ses belles tempes.

Tant que je vivrai, j’aimerai le jouvenceau qu’a choisi mon cœur, car je suis fidèle à l’objet de mon amour.

Ô amoureux, lorsque vous avez choisi un objet aimable, aimez-le bien et jamais ne vous en séparez. Un objet qu’on perd ne se retrouve jamais.

Pour moi, j’aime ce jeune faon aux formes gracieuses dont le regard a pénétré mon cœur plus profondément que le tranchant d’une lame coupante.

La beauté a écrit sur son jeune front des lignes charmantes au sens concis.

Son regard de sorcellerie est si enchanteur qu’il fascine tous les cœurs par l’arc tendu où brillent ses flèches noires.

Ô toi, dont je ne pourrai plus me passer, et que je ne saurai remplacer dans mon intimité,

Viens au hammam avec moi. Les nards brûleront,