Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de la princesse suleika
145

je pensai en mon âme, en les regardant se pousser du coude et mourir de rire : « Quelle affaire prodigieuse est cette affaire ! Sont-ce là des femmes d’entre les femmes et des jeunes filles d’entre les jeunes filles ? Car depuis quand les créatures de ce sexe ont-elles acquis ce détachement et tant de vertu, pour ne pas se jalouser et se griffer le visage devant le succès de l’une de leurs semblables ! Par Allah ! les sœurs n’agiraient pas avec tant d’aménité et de désintéressement envers leurs sœurs. Voilà qui dépasse l’entendement. »

Mais la princesse Suleika ne me laissa pas longtemps plongé dans cette perplexité, et me dit : « La félicitation ! la félicitation, ô Hassân de Damas ! Par ma vie ! les jeunes gens de ton pays ont bon goût, œil fin et sagacité. Et je suis bien aise, ô Hassân, que tu aies donné la préférence à ma favorite Kaïria. C’est la préférée de mon cœur et la plus aimée. Et tu ne te repentiras pas de ton choix, ô vaurien ! D’ailleurs tu es loin de connaître tout le prix et toute la valeur de l’élue, car nous toutes, telles que nous sommes, nous ne pouvons guère prétendre à lui être, de près ou de loin, comparées pour les charmes, les perfections du corps et l’attrait de l’esprit. Et, en vérité, nous sommes ses esclaves, quoique les apparences pussent être trompeuses. »

Puis toutes, l’une après l’autre, se mirent à féliciter la charmante Kaïria, et à la plaisanter sur le triomphe qu’elle venait de remporter. Et elle fut loin d’être à court de répliques, et à chacune de ses compagnes elle fit la réponse qu’il fallait, tandis que j’étais à la limite de l’étonnement.