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les mille nuits et une nuit

par te dire que je ne saurais comparer tes charmes à ceux de tes compagnes, car on ne compare point l’éclat de la lune avec le scintillement des étoiles. Et telle est ta beauté que les yeux ne sauraient avoir que pour elle des regards. » Et, en disant ces paroles, je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil d’intelligence à la délectable Kaïria, de façon à lui faire comprendre que seule la bienséance me dictait cette flatterie à l’égard de la princesse.

Et, lorsqu’elle eut entendu ma réponse, Suleika me dit, en souriant : « Tu as excellé, ô Hassân, bien que la flatterie soit apparente. Hâte-toi donc, maintenant que tu es plus libre de parler, de nous découvrir le fond de ton cœur, en nous disant quelle est celle, parmi toutes ces jeunes filles, qui te captive le plus ! » Et, de leur côté, les jeunes filles unirent leurs prières à celle de la princesse, pour me presser de leur révéler, ma préférence. Et c’était, entre toutes, Kaïria qui se montrait la plus ardente à vouloir me faire parler, ayant déjà deviné mes secrètes pensées.

Alors moi, ô mon seigneur, ayant banni le reste de ma timidité, je cédai à toutes ces instances réitérées des jeunes filles et de leur maîtresse, je me tournai vers Suleika, et lui dis, en montrant d’un geste de ma main la jeune Kaïria : « Ô ma souveraine, c’est celle-ci même que je veux ! Oui, par Allah ! c’est vers l’aimable Kaïria que va mon plus grand désir. »

Or, je n’avais pas encore achevé de prononcer ces mots, que toutes les jeunes filles poussèrent ensemble de longs éclats de rire, sans que sur leurs visages épanouis parût le moindre indice de dépit. Et