Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de la princesse suleika
143

déclarant ta préférence pour l’une, tu ne déplaises à toutes les autres et les indisposes contre toi. Eh bien, tu as tort, si une telle crainte te noircit l’entendement. Sache, en effet, que moi et mes compagnes nous sommes tellement unies, et nous avons entre nous de tels liens de tendresse, qu’un homme, quoi qu’il fasse avec l’une de nous, ne saurait altérer nos sentiments mutuels. Chasse donc de ton cœur les craintes qui le font si prudent, examine-nous tout à ton aise, et si même tu désires que nous nous mettions toutes nues devant toi, dis-le sans réticence, et nous nous exécuterons sur nos têtes et nos yeux. Mais hâte-toi seulement de nous dire quelle est l’élue de ton choix. »

Alors moi, ô mon seigneur, je fis appel à ce qui m’était revenu de courage devant tous ces encouragements, et, quoique les compagnes de Suleika fussent parfaitement belles, et qu’il eût été bien difficile à l’œil le plus expert de faire la différence, et quoique, d’autre part, la princesse Suleika fût elle-même pour le moins aussi merveilleuse que ses jeunes filles, mon cœur désira ardemment celle qui, la première, l’avait fait battre si violemment dans le jardin, la sémillante et délicieuse Kaïria, la bien-aimée de l’enfant-de-son-père. Mais je me gardai bien, malgré tout le désir, de révéler ces sentiments qui, en dépit des paroles rassurantes de Suleika, risquaient fort d’attirer sur ma tête les ressentiments de toutes ces vierges. Et je me contentai, après les avoir examinées toutes avec la plus grande attention, de me tourner vers la princesse Suleika et de lui dire : « Ô ma maîtresse, je dois commencer