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les mille nuits et une nuit

assurance sur mon visage, je continuais à avoir, au milieu de ces extraordinaires jeunes filles, une contenance fort embarrassée. Et la princesse Suleika et ses compagnes, qui s’en apercevaient bien, tâchaient, de leur côté, par toutes sortes de moyens, de m’inspirer de la hardiesse. Et Suleika finit par me dire : « Quand donc, ô notre ami Hassân, ô Damasquin, vas-tu prendre un air libre et de l’aisance ? Crois-tu que ces jeunes filles innocentes soient des mangeuses de chair humaine ? Et ne sais-tu que tu ne cours aucun risque dans les appartements de la fille du roi, où jamais un eunuque n’osera pénétrer sans permission ? Oublie donc, pour un instant, que tu parles avec la princesse Suleika, et suppose-toi en séance de causerie avec de simples filles de petits marchands de Schiraz. Lève donc la tête, ô Hassân, et regarde au visage toutes ces jeunes et charmantes personnes. Et, les ayant examinées avec la plus grande attention, hâte-toi de nous dire, en toute franchise et sans craindre de nous offusquer, quelle est celle d’entre nous qui te plaît davantage ! »

Or, ces paroles de la princesse Suleika, ô roi du temps, au lieu de me donner du courage et de l’assurance, ne firent qu’augmenter mon trouble et mon embarras, et je ne sus que balbutier des paroles incohérentes, en sentant la rougeur de l’émotion me monter au visage. Et j’eusse voulu, à ce moment-là, que la terre s’entr’ouvrit et me dévorât. Et Suleika, voyant ma perplexité, me dit : « Je vois, ô Hassân, que je te demande là une chose qui te met dans l’embarras. Car, sans doute, tu crains qu’en