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histoire de la princesse suleika
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baisa la main de celle qui venait de parler ainsi, et lui dit : « Ô notre maîtresse Suleika, par ta vie précieuse ! pardonne-lui son mouvement de tout à l’heure, qui n’est que la preuve de son impétuosité. Et son sort est entre tes mains ! Nous faut-il donc l’abandonner ou lui porter secours, à ce bel assaillant, à ce perpétrateur d’attentats contre les jeunes filles vierges ! » Et celle qu’on nommait Suleika réfléchit un instant et répondit : « Eh bien, pour cette fois, nous lui pardonnons, puisque toi-même, qui as subi son attentat, intercèdes en sa faveur. Que sa tête soit sauve, et qu’il soit délivré du danger où il se trouve ! Et il faut même, pour qu’il se souvienne des jeunes filles qui l’ont délivré, que nous tâchions de lui rendre un peu plus agréable son aventure de cette nuit. Emmenons-le donc avec nous et faisons-le entrer dans nos appartements privés, qu’aucun homme jusqu’ici n’a violés de sa présence. » Et, ayant ainsi parlé, elle fit un signe à l’une des jeunes filles, ses compagnes, qui aussitôt disparut, légère, sous les cyprès, pour revenir au bout d’un instant, portant sur les bras un flot de soieries. Et elle développa à mes pieds ces soieries, qui composaient une robe charmante de femme ; et, à elles toutes, elles m’aidèrent à la passer par-dessus mes vêtements. Et, déguisé de la sorte, je me mêlai intimement à leur groupe. Et, à travers les arbres, nous gagnâmes les appartements privés.

Or, en entrant dans la salle des réceptions réservée au harem et tout en marbre ajouré et incrusté de perles et de turquoises, les jeunes filles me dirent à l’oreille que cette salle était celle où la fille