Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de la princesse suleika
137

Sabour-Schah et le favori du vizir du roi Sabour-Schah. » Et elle s’écria : « Ah ! c’est toi le bel Hassân qui a renversé la cervelle du descendant de Loth ! Ô mon bonheur de t’avoir cette nuit, pour moi seule, ô mon chéri ! Viens, mon cœur, viens ! Et cesse d’empoisonner des moments de douceur et de grâce par de pénibles réflexions ! »

Et, ayant ainsi parlé, la belle adolescente m’attira de force contre elle, et frotta son visage contre le mien, et appliqua ses lèvres sur mes lèvres, avec passion. Et moi, ô mon seigneur, bien que ce fût la première fois qu’une telle aventure m’arrivât, je sentis à ce contact vivre furieusement en moi l’enfant de son père, et, ayant embrassé avec transport l’adolescente en pâmoison, je retirai l’enfant et le présentai vers le nid. Mais, à sa vue, au lieu de se mouvementer en s’allumant, l’adolescente se désenlaça soudain et me repoussa rudement, en jetant un cri d’alarme, Et j’avais à peine eu le temps de rentrer l’enfant, qu’aussitôt je vis sortir d’un bosquet de roses dix adolescentes qui coururent à nous, en riant à mourir.

Et, à leur vue, ô mon seigneur, je compris qu’elles avaient tout vu et tout entendu, et que la jeune personne en question s’était amusée à mes dépens, et qu’elle ne s’était servie de moi que par moquerie, dans le but évident de faire rire ses compagnes. Et d’ailleurs, en un clin d’œil, toutes les jeunes filles étaient déjà autour de moi, rieuses, et bondissantes comme des biches apprivoisées. Et, au milieu de leurs éclats de rire, elles me regardaient avec des yeux allumés de malice et de curiosité, et disaient à celle qui m’avait