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les mille nuits et une nuit

et plus tremblant que jamais, je ne songeais qu’à la fuite, et je me lamentais, disant : « Ô ma perte sans recours ! Ô fille des gens de bien, ô ma maîtresse, qui que tu sois, n’occasionne pas ma mort par l’attrait de tes charmes ! » Et je voulus m’échapper. Mais elle m’en empêcha, en étendant le bras gauche, et, de sa main droite, elle rejeta complètement son voile, et me dit, en cessant de rire : « Regarde-moi donc, jeune insensé, et dis-moi si, tous les soirs, tu en peux rencontrer de plus belles ou de plus jeunes que moi ? J’ai à peine dix-huit ans, et nul homme ne m’a touchée. Quant à mon visage, qui n’est point laid à regarder, nul jusqu’à toi n’a pu se flatter de l’avoir entrevu. Tu m’outragerais donc violemment si tu cherchais davantage à me fuir. » Et je lui dis : « Ô ma souveraine, certes ! tu es la pleine lune de la beauté, et quoique la nuit jalouse dérobe à mes yeux une partie de tes charmes, ce que j’en découvre suffit pour mon enchantement ! Mais, je t’en supplie, mets-toi un instant dans ma situation, et tu verras combien triste elle est et délicate. » Et elle répondit : « Je conviens avec toi, ô noyau du cœur, que délicate est, en effet, ta situation, mais sa délicatesse ne provient point du danger que tu cours, mais de l’objet même qui l’occasionne. Car tu ne sais point qui je suis, ni quel est mon rang dans le palais ! Et pour ce qui est du danger que tu cours, il serait réel pour tout autre que pour toi, puisque je te prends sous ma sauvegarde et ma protection. Dis-moi donc ton nom, qui tu es, et quelles sont tes fonctions au palais. » Et je répondis : « Ô ma maîtresse, je suis Hassân de Damas, le nouveau chambellan du roi