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les rencontres d’al-rachid…
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ô mon seigneur, la cause de mon serment, tu n’hésiterais pas à me donner raison. »

Et le khalifat se dit : « Il n’y a de recours qu’en Allah le Tout-Puissant contre l’importunité de ce vieil homme aveugle ! » Et comme il ne voulait pas être plus longtemps en butte à la curiosité des passants, il se hâta de faire ce que lui demandait l’aveugle qui, aussitôt qu’il eut reçu le soufflet, lâcha prise en le remerciant et en levant les deux mains vers le ciel pour appeler sur sa tête les bénédictions.

Et Al-Rachid, délivré de la sorte, s’éloigna avec ses deux compagnons, et il dit à Giafar : « Par Allah ! l’histoire de cet aveugle doit être une étonnante histoire, et son cas un bien étrange cas ! Ainsi donc, retourne vers lui, et dis-lui que tu viens de la part de l’émir des Croyants pour lui ordonner de se trouver demain au palais, à l’heure de la prière de l’après-midi. » Et Giafar retourna auprès de l’aveugle, et lui communiqua l’ordre de son maître.

Puis il revint rejoindre le khalifat. Et ils n’avaient pas fait quelques pas, qu’ils aperçurent sur le côté gauche du pont, assis presque en face de l’aveugle, un second mendiant estropié des deux jambes et la bouche fendue. Et Massrour, le porte-glaive, sur un signe de son maître, s’approcha de l’estropié des deux jambes à la bouche fendue, et lui donna l’aumône qui était écrite dans sa chance, pour ce jour-là. Et l’homme releva la tête et se mit à rire en disant : « Hé, ouallah ! de toute ma vie de maître d’école, je n’ai gagné autant que ce que je viens de recevoir de la main de ta générosité, ô mon maître ! » Et Al--