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les rencontres… (l’aveugle…)
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sité. Et le repentir de mon avidité et de mon abus des bienfaits du Rétributeur entra dans mon cœur, et, pour me punir moi-même, je m’imposai ce traitement d’un soufflet de la main de toute personne qui me ferait l’aumône.

Et telle est mon histoire, ô émir des Croyants. Et je te l’ai racontée, sans rien cacher de mon impiété et de la bassesse de mes sentiments. Et me voici prêt à recevoir un soufflet de la main de chacun des honorables assistants, bien que cela ne soit point un châtiment suffisant. Mais Allah est miséricordieux infiniment !

Lorsque le khalifat eut entendu cette histoire de l’aveugle, il lui dit : « Ô Baba-Abdallah, certes ! ton crime est un grand crime, et l’avidité de ton œil est une impardonnable avidité ! Mais je pense que ton repentir et ton humilité devant le Miséricordieux t’ont déjà valu la rémission. Et c’est pourquoi je veux que désormais, pour ne point te voir subir ce traitement public que tu t’es imposé, ta vie soit assurée sur mon trésor. Et, en conséquence, le vizir du trésor te donnera chaque jour dix drachmes de ma monnaie, pour ta subsistance. Et qu’Allah t’ait en Sa miséricorde ! » Et il ordonna que la même somme fût également versée au maître d’école estropié à la bouche fendue. Et il garda auprès de lui, pour les traiter suivant leur rang, avec toute la magnificence dont il était coutumier, le jeune homme maître de la jument blanche, le cheikh Hassân et le cavalier derrière qui on jouait des airs indiens et chinois.