Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 14, trad Mardrus, 1903.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.
les rencontres… (l’aveugle…)
119

me sourit avec bonté, tira le pot de son sein, et me le présenta gracieusement, en me disant : « Tiens, voici le pot, ô mon frère Baba-Abdallah, et puisse-t-il satisfaire le dernier de tes désirs ! D’ailleurs si tu penses que je puis faire davantage pour toi, tu n’as qu’à parler, et me voici prêt à te satisfaire. »

Or, moi, quand j’eus le pot entre les mains, je l’ouvris et, en considérant le contenu, je dis au derviche : « Par Allah sur toi, ô mon frère le derviche, complète tes bontés en me disant quels sont les usages et les vertus de cette pommade que je ne connais pas ! » Et le derviche répondit : « De tout cœur amical ! » Et il ajouta : « Sache donc, puisque tu le demandes, que cette pommade a été triturée par les doigts des genn souterrains qui y ont mis un effet merveilleux. Si, en effet, on en applique un peu autour de l’œil gauche et sur la paupière, elle fait paraître devant celui qui s’en est servi les cachettes où se trouvent les trésors de la terre. Mais si l’application de cette pommade a été, par malheur, faite sur l’œil droit, du coup on devient aveugle des deux yeux à la fois. Et telle est la vertu et tel est l’usage de cette pommade, ô mon frère Baba-Abdallah ! Ouassalam ! »

Et, ayant ainsi parlé, il voulut de nouveau prendre congé de moi. Mais je le retins par la manche, et lui dis : « Par ta vie ! rends-moi un dernier service, en m’appliquant toi-même de cette pommade sur l’œil gauche, car tu sauras faire cela bien mieux que moi, et je suis à la limite de l’impatience d’expérimenter la vertu de cette pommade dont je suis devenu le possesseur. » Et le derviche ne voulut