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les mille nuits et une nuit

des richesses qui te viennent du Rétributeur, et souviens-toi du derviche qui t’a rencontré sur le tournant de ta destinée. »

Or, moi, ô mon seigneur, au lieu d’être à la limite de la satisfaction d’être devenu le propriétaire de toute la cargaison de pierreries, je fus poussé par l’avidité de mon œil à demander autre chose encore. Et c’est cela qui devait occasionner ma perte. Il me vint en effet à l’esprit que le petit pot en or qui contenait la pommade, et que le derviche, avant de sortir de la grotte, avait retiré de la jarre précieuse, devait également me revenir comme le reste. Car je me disais : « Qui sait ce que doivent être les vertus de cette pommade ! Et puis, j’ai bien le droit de prendre ce pot, puisque le derviche peut s’en procurer à la grotte de semblables, quand il lui plaira. » Et cette pensée me détermina à lui en parler. Aussi, comme il venait de m’embrasser en prenant congé de moi, je lui dis : « Par Allah sur toi ! ô mon frère le derviche, que veux-tu faire de ce petit pot de pommade que tu as caché dans ton sein ? Et que peut bien faire de cette pommade un derviche qui d’ordinaire ne se sert ni de pommades ni d’odeur de pommade ni d’ombre de pommade ? Donne-moi plutôt ce petit pot, afin que je l’emporte avec le reste, en souvenir de toi ! »

Or, cette fois, je m’attendais à ce que le derviche, irrité de mon insistance, me refusât tout simplement le pot en question. Et moi j’étais disposé à me baser sur son refus pour le lui enlever de force, puisque j’étais, et de beaucoup, le plus fort et, au cas où il résisterait, à l’assommer sur place, en cet endroit désert. Mais, contre toute attente, le derviche