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les mille nuits et une nuit

la gemme marine qui le fera parvenir à la limite de l’opulence. Donc, ô derviche, je ne suis point un ignorant, et je suis persuadé, d’ailleurs, que les hommes de ta corporation connaissent des secrets et des mots d’une grande puissance ! »

Et le derviche, à ces paroles, cessa de remuer le sable avec son bâton, me regarda de nouveau et me dit : « Ô mon maître Baba-Abdallah, je pense bien qu’aujourd’hui tu n’as point fait de mauvaise rencontre, en me rencontrant, et je crois que ce jour-ci est précisément pour toi le jour du tournant de la route où tu seras en face de ta destinée. » Et je lui dis : « Par Allah ! ô derviche, je l’accueillerai avec fermeté et d’un œil plein, et, quoi qu’elle puisse m’apporter, je l’accepterai d’un cœur reconnaissant ! » Et il me dit : « Alors, lève-toi, ô pauvre, et suis-moi. »

Et il se leva sur ses deux pieds, et marcha devant moi. Et je le suivis, en pensant : « Certes, c’est bien aujourd’hui le jour de ma destinée, depuis le temps que je suis dans son attente ! » Et nous arrivâmes, au bout d’une heure de marche, dans un vallon assez spacieux, dont l’entrée était si étroite que mes chameaux pouvaient à peine y passer un à un, Mais bientôt le terrain s’élargit avec la vallée, et nous fûmes au pied d’une montagne si impraticable qu’il n’y avait pas à craindre qu’une créature humaine pût jamais, de ce côté-là, arriver jusqu’à nous. Et le derviche me dit : « Nous voici arrivés là où il fallait arriver. Pour toi, arrête tes chameaux, et fais-les se coucher sur le ventre, afin que, lorsque le moment sera venu de les charger avec ce