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les rencontres… (le maître d’école…)
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l’œuf dans ma bouche, dans la crainte que, me trouvant en état de manger, il ne soupçonnât la vérité et s’aperçût de ma duplicité. Et l’œuf qui était brûlant me faisait éprouver des douleurs intolérables. Et le mauvais sujet, qui devait, sans aucun doute, savoir à quoi s’en tenir sur la situation, au lieu de s’en aller, persista à me regarder avec un air de compassion, et en me disant : « Ô notre maître, que tes joues sont enflées et que tu dois souffrir ! Ce doit être sûrement un abcès malin. » Puis, comme mes yeux me sortaient de la tête, dans ma torture, et que je ne répondais pas, il me dit : « Il faut le crever ! il faut le crever ! » Et il s’avança vivement de mon côté, et voulut m’enfoncer une grosse aiguille dans la joue. Mais alors je sautai vivement sur mes deux pieds, et je courus à la cuisine, où je crachai l’œuf, qui déjà m’avait gravement brûlé les joues. Et c’est à la suite de cette brûlure, ô émir des Croyants, qu’un véritable abcès se déclara dans ma joue et me fit voir la mort rouge. Et on fit venir le barbier, qui me taillada la joue, pour vider l’abcès. Et c’est à la suite de cette opération que ma bouche resta fendue et déformée.

Et voilà pour ce qui est de la fente et de la déformation de ma bouche. Mais pour ce qui est de mon estropiement, voici !

Lorsque je fus quelque peu reposé des suites de ma brûlure, je revins à l’école, où, plus que jamais, je fus rigoureux et sévère à l’égard de mes élèves, dont la turbulence devait être réprimée. Et, quand la conduite de l’un d’eux laissait quelque peu à désirer, je ne manquais pas de le corriger à coups de