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les mille nuits et une nuit

de tes élèves. » Et, pensant ainsi, je dis au moniteur : « Tu feras la classe, comme si j’étais là ! » Et je me mis à geindre et à me lamenter sur moi-même. Et le garçon, me laissant dans cet état, se hâta d’aller rejoindre les autres élèves, pour les mettre au courant de la situation.

Et cet état de choses dura une semaine entière, au bout de laquelle l’élève moniteur m’apporta encore une somme de quatre-vingt drachmes, en me disant : « C’est la cotisation de tes bons élèves, afin que notre maîtresse te puisse bien soigner. » Et moi je fus encore bien plus touché que la première fois, et je dis en moi-même : « Ô un tel, ta maladie est une maladie bénie, en vérité, qui te rapporte tant d’argent sans peine ni efforts, et qui, en somme, ne te fait guère souffrir. Puisse-t-elle durer longtemps encore, pour ton plus grand bien ! »

Et, dès ce moment, je résolus de feindre la maladie, persuadé à la longue que mon intérieur n’était pas réellement atteint, et me disant : « Jamais tes leçons ne te rapporteront autant que ta maladie. »

Et, à partir de ce moment, ce fut à mon tour de faire croire à ce qui n’était pas. Et, chaque fois que l’élève moniteur revenait me voir, je lui disais : « Je vais mourir d’inanition, car mon estomac refuse la nourriture ! » Or, cela n’était pas vrai, car jamais je n’avais mangé avec autant d’appétit et ne m’étais mieux porté.

Et je continuai à vivre de la sorte pendant un certain temps, quand un jour l’élève entra juste au moment où je m’apprêtais à manger un œuf. Et mon premier mouvement, en le voyant, fut de cacher