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HISTOIRE DU MAÎTRE D’ÉCOLE ESTROPIÉ À LA BOUCHE FENDUE


Sache, ô émir des Croyants, que pour ma part je débutai dans la vie comme maître d’école, et j’avais sous ma main quelque quatre-vingts jeunes garçons. Et mon histoire avec ces garçons-là est prodigieuse.

Je dois commencer par te dire, ô mon seigneur, que j’étais sévère à leur égard à la limite de la sévérité, et strict et rigoureux, au point que, même pendant les heures de récréation, j’exigeais qu’ils continuassent à travailler, et je ne les renvoyais à leurs maisons qu’une heure après le coucher du soleil. Et, même alors, je ne manquais pas de les surveiller, en les suivant à travers les souks et les quartiers, pour les empêcher de jouer avec les jeunes vauriens qui les eussent débauchés.

Or, ce fut précisément ma rigueur qui attira sur ma tête les calamités, comme tu vas le voir, ô émir des Croyants !

En effet, étant entré un jour d’entre les jours dans la salle de lecture, au moment où tous mes élèves étaient assemblés, je les vis soudain se lever tous sur leurs deux jambes et s’écrier d’une seule voix : « Ô notre maître, que ton visage est jaune aujourd’hui ! » Et moi je fus bien surpris de cela ; mais comme je ne me sentais aucun mal intérieur qui pût