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les mille nuits et une nuit

Ses bienfaits, et je réfléchis à l’usage que je devais faire désormais de mes richesses. Mais j’eusse voulu d’abord aller embrasser la terre entre les mains de Si Saâdi, pour lui témoigner ma gratitude, et en user de même à l’égard de Si Saâd, à qui, en fin de compte, et bien qu’il n’eût pas réussi comme Si Saâdi dans les bonnes intentions qu’il avait eues pour moi, je devais d’être ce que j’étais. Mais la timidité m’en empêcha ; et, d’ailleurs, je ne savais pas exactement où ils demeuraient tous les deux. C’est pourquoi je préférai attendre qu’ils vinssent de leur propre mouvement demander des nouvelles du pauvre cordier Hassân, — qu’Allah l’ait en Sa compassion, celui-là, puisqu’il est déjà trépassé et que sa jeunesse fut misérable !

Et, en attendant, je résolus de faire le meilleur usage possible de la fortune qui m’avait été écrite. Et mon premier acte fut, non point de m’acheter de riches habits ou des affaires somptueuses, mais d’aller trouver tous les pauvres cordiers de Baghdad, qui vivaient dans le même état de misère que celui dans lequel j’avais si longtemps vécu, et, les ayant assemblés, je leur dis : « Voici que le Rétributeur m’a écrit l’aisance et m’a envoyé Ses bienfaits alors que j’étais le dernier à les mériter. Et c’est pourquoi, ô frères musulmans, je tiens à ce que les faveurs du Très-Haut ne restent point accumulées sur la même tête, et que vous puissiez en bénéficier selon vos besoins. Aussi, dès aujourd’hui, je vous prends tous à mon service, en vous engageant à travailler pour moi aux ouvrages de corderie, avec la certitude d’être largement payés, selon votre habileté, à