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le trésor sans fond
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oreille, tandis que je pleurais en voyant la vie s’en aller de lui, et m’apprit dans quel endroit de la demeure était le trésor. Puis il m’assura que quelque grande idée que je pusse me former des richesses qu’il renfermait, je les trouverais encore plus considérables que je ne me les représenterais. Et il ajouta : « Et te voici, ô mon fils, le maître absolu de tout cela. Que ta paume soit large ouverte, sans craindre d’arriver jamais à épuiser ce qui n’a point de fond. Sois heureux ! Ouassalam ! » Et, ayant prononcé ces dernières paroles, il trépassa dans la paix — qu’Allah l’ait en miséricorde et répande sur lui Ses bénédictions !

Or, moi, après que, comme unique héritier, je lui eus rendu les derniers devoirs, je pris possession de tous ses biens, et, sans tarder, j’allai voir le trésor. Et, à mon éblouissement, je pus constater que mon défunt père adoptif n’avait guère exagéré son importance ; et je me disposai à en faire le meilleur usage possible.

Quant à tous ceux qui me connaissaient et avaient assisté à ma première ruine, ils furent du coup persuadés que j’allais me ruiner une seconde fois. Et ils se dirent entre eux : « Quand même le prodigue Aboulcassem aurait tous les trésors de l’émir des Croyants, il les dissiperait sans hésiter. » Aussi quel ne fut point leur étonnement lorsque, au lieu de voir dans mes affaires le moindre désordre, ils se furent aperçus qu’elles devenaient au contraire de jour en jour plus florissantes. Et ils n’arrivaient pas à concevoir comment je pouvais augmenter mon bien en le prodiguant, d’autant moins qu’ils voyaient