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les mille nuits et une nuit

fenêtre. Et toutes les mains à la fois lâchèrent leur charge, nous précipitant tous deux du haut du palais dans le Nil.

Or, il était écrit dans ma destinée que je devais échapper à la mort par noyade. C’est pourquoi, quoique étourdi de ma chute, je réussis, après être allé au fond du lit du fleuve, à remonter à la surface de l’eau, et à gagner, à la faveur de l’obscurité, le rivage opposé au palais. Et, échappé à un si grand péril, je ne voulus point m’en aller sans avoir essayé de repêcher celle dont mon imprudence avait causé la perte, et je rentrai dans le fleuve avec plus d’ardeur que je n’en étais sorti, et je plongeai et replongeai à diverses reprises pour essayer de la retrouver. Mais mes efforts restèrent vains, et, comme mes forces me trahissaient, je me vis dans la nécessité, pour sauver mon âme, de regagner la terre. Et, bien triste, je me lamentai sur la mort de cette charmante favorite, me disant que je n’aurais pas dû m’approcher d’elle alors que j’étais sous le coup de la mauvaise chance, et que la mauvaise chance est contagieuse.

Aussi, pénétré de douleur et accablé de remords, je me hâtai de fuir le Caire et l’Égypte, et de prendre la route de Baghdad, la cité de paix.

Or, Allah m’écrivit la sécurité, et j’arrivai sans encombre à Baghdad, mais dans une situation fort triste, car j’étais sans argent, et de toute ma fortune passée il me restait juste un dinar d’or au fond de ma ceinture. Et, dès que je fus dans le souk des changeurs, je changeai mon dinar en petite monnaie, et, pour gagner ma vie, j’achetai un pla-