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le trésor sans fond
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fenêtre, et te voyant plein de courage et dédaigneux du péril, je jugeai que tu étais un homme puissant. Et je t’ai appelé pour l’expérience. À toi donc maintenant de me prouver que je ne me suis pas trompée dans mon choix, et que ta vaillance est égale à ta témérité ! »

Alors moi, ô mon maître, qui n’avais nul besoin d’être poussé pour agir, vu que je n’étais là que pour l’action, je ne voulus point perdre un temps précieux à chanter des vers, comme c’est l’habitude dans ces circonstances, et m’apprêtai à l’assaut. Mais au moment même où nos bras s’enlaçaient, on frappa rudement à la porte de la chambre. Et la belle Labiba, fort effrayée, me dit : « Nul n’a le droit de frapper ainsi, si ce n’est le sultan. Nous sommes trahis et perdus sans recours ! »

Aussitôt je pensai à l’échelle de la fenêtre, pour me sauver par où j’étais monté. Mais le sort voulut que le sultan arrivât précisément de ce côté-là ; et il ne me restait aucune chance de fuite. Aussi, prenant le seul parti qui me restât, je me cachai sous le lit d’argent, cependant que la favorite du sultan se levait pour ouvrir.

Et, dès que la porte fut ouverte, le sultan entra suivi de ses eunuques, et, avant même que je pusse me rendre compte de ce qui allait arriver, je me sentis saisi d’en dessous du lit par vingt mains terribles et noires qui m’attirèrent comme un paquet et me soulevèrent du sol. Et ces eunuques coururent chargés de moi jusque vers la fenêtre, alors que d’autres eunuques noirs, chargés de la favorite, exécutaient le même mouvement vers une autre