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les mille nuits et une nuit

noncer une parole. Mais elle se leva à demi et, d’une voix plus douce que le sucre candi, me dit de prendre place à côté d’elle sur le lit d’argent. Puis elle me demanda avec intérêt qui j’étais. Et je lui contai mon histoire, en toute sincérité, depuis le commencement jusqu’à la fin, sans en omettre un détail. Mais il n’y a point d’utilité à la répéter.

Or, l’adolescente, qui m’avait écouté fort attentivement, parut réellement touchée de la situation où m’avait réduit la destinée. Et moi, voyant cela, je m’écriai : « Ô ma maîtresse, quelque malheureux que je sois, je cesse d’être à plaindre, puisque tu es assez bonne pour compatir à mes malheurs ! » Et elle fit à cela la réponse qu’il fallait, et insensiblement nous nous engageâmes dans un entretien qui se fit de plus en plus tendre et intime. Et elle finit par m’avouer que, de son côté, elle avait eu, en me voyant, un penchant de mon côté. Et je m’écriai : « Louanges à Allah qui attendrit les cœurs et adoucit les yeux des gazelles ! » Ce à quoi elle fit également la réponse qu’il fallait, et ajouta : « Puisque tu m’as appris qui tu es, Aboulcassem, je ne veux point que tu ignores davantage qui je suis ! »

Et, après être restée un moment silencieuse, elle dit : « Sache, ô Aboulcassem, que je suis l’épouse favorite du sultan, et que je m’appelle Sett Labiba. Or, malgré tout le luxe où je vis ici, je ne suis pas heureuse. Car, outre que je suis entourée de rivales jalouses et prêtes à me perdre, le sultan qui m’aime ne peut arriver à me satisfaire, vu qu’Allah, qui distribue la puissance aux coqs, l’a oublié lors de la distribution. Et c’est pourquoi, t’ayant vu sous ma