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les mille nuits et une nuit

de pousser de profonds soupirs et de pleurer. Et je me représentai la douleur de mon père s’il voyait la déplorable situation de son fils unique, l’héritier. Et, occupé de ces pensées qui m’attendrissaient, j’arrivai, en me promenant, sur les bords du Nil, derrière le palais du sultan. Et voici qu’à une fenêtre apparut une tête ravissante de jeune femme ou jeune fille, je ne savais, qui m’immobilisa à la regarder. Mais soudain elle se retira, et je ne vis plus rien. Et moi, je restai là en béatitude jusqu’au soir, à attendre vainement une nouvelle apparition. Et je finis par me retirer, mais bien à contre-cœur, et aller passer la nuit dans le khân où j’étais descendu.

Mais le lendemain, comme les traits de la jouvencelle s’offraient sans cesse à mon esprit, je ne manquai pas de me rendre sous la fenêtre en question. Mais mon espoir et mon attente furent bien vains ; car le délicieux visage ne se montra pas, bien que le rideau de la fenêtre eût quelque peu frémi, et que j’eusse cru deviner une paire d’yeux babyloniens derrière le grillage. Et cette abstention m’affligea fort, sans pourtant me rebuter, car je ne manquai pas de retourner à ce même endroit, le jour suivant.

Or, quelle ne fut pas mon émotion, quand je vis le grillage s’entre-bâiller, et le rideau s’écarter pour laisser apparaître la pleine lune de son visage ! Et je me hâtai de me prosterner la face contre terre ; et, après m’être relevé, je dis : « Ô dame souveraine, je suis un étranger arrivé depuis peu au Caire et qui a inauguré son entrée dans cette ville par la vue de ta beauté. Puisse la destinée qui m’a conduit jusqu’ici par la main achever son œuvre selon le souhait de