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le trésor sans fond
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core pis, il n’a jamais dû connaître les égards que l’on doit à l’hôte et les bonnes manières. Il m’apporte toutes ces curiosités sans que je l’en prie, il les offre à mes yeux, et quand il s’aperçoit que je prends le plus de plaisir à les voir, il me les enlève. Par Allah ! je n’ai jamais rien vu de si malhonnête et de si grossier. Maudit Giafar ! je t’apprendrai bientôt, si Allah veut, à mieux juger des hommes et à tourner ta langue dans ta bouche avant de parler ! »

Pendant que Al-Rachid se faisait ces réflexions sur le caractère de son hôte, il le vit rentrer dans la salle pour la troisième fois. Et il était suivi à quelques pas d’une adolescente comme on n’en trouve que dans les jardins d’Éden. Elle était toute couverte de perles et de pierreries, et plus parée encore de sa beauté que de ses atours. Et Haroun, à sa vue, oublia l’arbre, le paon et la coupe inépuisable, et se sentit l’âme pénétrée d’enchantement. Et la jeune fille, après lui avoir fait une profonde révérence, vint s’asseoir entre ses mains, et, sur un luth composé de bois d’aloès, d’ivoire, de sandal et d’ébène, se mit à jouer de vingt-quatre manières différentes, avec un art si parfait qu’Al-Rachid ne put retenir son admiration, et s’écria : « Ô jeune homme que ton sort est digne d’envie ! » Mais dès qu’Aboulcassem eut remarqué que son convive était enchanté de l’adolescente, il la prit aussitôt par la main et la mena hors de la salle, avec promptitude.

Lorsque le khalifat vit cette conduite de son hôte, il fut extrêmement mortifié, et ne voulut pas, de peur de laisser éclater son ressentiment, rester plus longtemps dans une demeure où on le recevait d’une