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les mille nuits et une nuit

dilatés, alla s’étendre, sans prononcer une parole, sur le divan. Et Sett Zobéida, qui savait comment l’aborder dans ses moments d’humeur, se garda bien de l’importuner de questions oiseuses ; mais, prenant un air d’extrême inquiétude, elle lui apporta une coupe remplie d’eau parfumée à la rose et, la lui offrant, lui dit : « Le nom d’Allah sur toi, ô fils de l’oncle ! Que cette boisson te rafraîchisse et te calme ! La vie est formée de deux couleurs, blanche et noire. Puisse la blanche marquer seule tes longs jours ! » Et Al-Rachid dit : « Par le mérite de nos ancêtres, les glorieux ! c’est la noire qui marquera ma vie, ô fille de l’oncle, tant que je verrai devant mes yeux le fils du Barmécide, ce Giafar de malédiction, qui se plaît à critiquer mes paroles, à commenter mes actions et à donner la préférence sur moi à d’obscurs particuliers d’entre mes sujets ! » Et il apprit à son épouse ce qui venait de se passer, et se plaignit à elle de son vizir, dans des termes qui lui firent comprendre que la tête de Giafar courait cette fois le plus grand danger. Aussi elle ne manqua pas d’abonder d’abord dans son sens, en exprimant son indignation de voir que le vizir se permettait de telles libertés à l’égard de son souverain. Puis, très habilement, elle lui représenta qu’il était préférable de différer la punition le temps seulement d’envoyer quelqu’un à Bassra pour vérifier la chose. Et elle ajouta : « Et c’est alors que tu pourras t’assurer de la vérité ou de la fausseté de ce que t’a raconté Giafar, et le traiter en conséquence. » Et Haroun, que le langage plein de sagesse de son épouse avait déjà à moitié calmé, répondit : « Tu